chat perché ━ privé

Un beau cadeau ? Benjamin resta un moment silencieux en s'approchant de l'îlo, là ou Noa était assise et confortable. Il posa les coudes contre le comptoir et joint les mains ensemble en observant la demoiselle.

« - Honnêtement, je crois que j'aurais préféré qu'ils soient toujours en vie. J'aurais aimer les connaitre, savoir comment ma mère était, voir si je ressemble à mon père ou pas... » Il demeura un moment pensif, mais sans réellement sembler souffrir de cette perte. Après tout, il ne les avait jamais connu.

« - La maison est toujours vide, donc c'est un peu triste à mes yeux, j'aurais voulu la remplir un peu plus avec de la vie toussa, mais c'est pas comme ça que ça marche ! » Dit-il en rigolant un moment. Il haussa les épaules puis pianota sur le comptoir. « - Mais ouais, ça me change des appartements miteux dans lesquels je devais vivre avant d'atteindre l'âge d'obtenir la maison ! »

Il s'occupa des ramens et déposa le bol devant Noa, venant prendre place à côté d'elle. Il saisit des baguettes et plissa les yeux un moment.
« - En tout cas, ça me fait plaisir de faire la connaissance de Noa, Lux parle beaucoup de toi. »

Noa sentit qu'elle aurait peut-être mieux fait de se taire lorsque Benjamin déclara qu'il aurait sans doute préféré pouvoir les rencontrer plutôt que de ne retenir d'eux qu'une maison vide. Sans doute qu'il avait raison. Après tout, elle s'était souvent demandée comment aurait été sa vie si ses parents avaient été heureux dès le départ.

Affublée d'une expression calme, elle l'entendit évoquer l'idée de remplir cette maison avec de la vie. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : « Tu veux une famille ? » Elle haussa un sourcil et parut amusée. « Suffit que tu trouves la femme de tes rêves et t'y parviendras, non ? » Elle le remercia pour le bol, saisit ses baguettes et se mit à aspirer les nouilles.

Du moins, jusqu'à ce qu'il lui fasse savoir qu'il était content d'avoir fait sa connaissance. Lux parlait beaucoup d'elle ?

« Je n'avais jamais entendu parler de toi auparavant. » admit-elle avec franchise. « Mais c'est pas vraiment de ta faute. Ça fait un moment que je n'ai pas vu Lux. » Elle déposa ses baguettes en paraissant un peu attristée de ça. Puis, calmement, elle tourna la tête vers lui.

« T'es un type bien, Benjamin. »

Est-ce qu'il voulait une famille ?
C'était une bonne question et après avoir aspiré ses nouilles un moment, il fronça les sourcils, pensif. Évidemment, il n'eut pas besoin de réfléchir longtemps, car la réponse était logique et normal.

« - C'est sur que j'en veux une, mais pour l'instant je ne crois pas que ce soit malin d'en fondé une. » Il tourna la tête vers elle, les pieds contre les barreaux de sa chaise. « - Je cherche pas la femme de mes rêves, je crois que ça me tombera dessus au bon moment et que là, ce sera l’occasion. »

Un haussement d'épaule plus tard et une nouvelle bouchée, il termina ; « - Et puis, avec le boulot que je fais, je voudrais être certain d'être plus présent avant de fonder une famille, pas envie de laisser la maman seule avec le bébé. Je voudrais être un peu présent aussi ! »

Le sujet de Lux tomba et Benjamin était au courant de tout ça, surement parce qu'il avait trouvé Lux à un moment où elle n'allait pas ? Un moment où elle avait eut besoin de parler car personne de son entourage n'était encore présent à Mayhem.
« - C'est pas grave, t'inquiète pas ! Et puis, Lux est assez secrète de ce que j'ai cru comprendre, c'est difficile de lui faire dire ce qu'elle ressent, non ? » Il eut un sourire, semblant surprit par la suite. Un type bien ? Il avala lentement puis se frotta l'arrière du crâne.

« - Ah ben, merci ! Je ne m'attendais pas à ça, en fait je fais juste être moi-même'ttebayo ! »

Sa façon de percevoir l'intérêt d'une famille et d'une relation de couple lui sembla tout à fait logique. Il était préférable d'attendre d'avoir une occasion avant de se lancer dans cette aventure. Et puis, de la manière dont il parlait, ce n'était pas un projet à court terme.

« La plupart des policiers finissent par divorcer parce que leur femme n'en peut plus de leur boulot à risque. » Elle marqua une pause et ajouta : « Tu as raison de vouloir être présent. Mais peut-être trouveras-tu quelqu'un qui accepte ta vocation et qui est assez patiente pour ne pas t'en vouloir. » Elle haussa brièvement les épaules, avalant encore des nouilles, et l'écouta lui parler de Lux et de la difficulté de la faire parler.

« Elle est douée pour se protéger. » admit-elle, sans mentir. Lux avait certainement une bonne carapace et ses répliques acerbes lui servaient à se défendre. Noa n'avait pas ce talent pour jouer avec les mots.

« C'est bien d'être soi-même. » répondit-elle finalement en se tournant un peu sur son siège pour le regarder de face. Puis, elle posa une main contre la cuisse du blond et se pencha un peu vers lui, l'observant droit dans les yeux. « Tu trouves pas ? »

« - Mh. »

Il sembla pensif un moment, le coude contre le comptoir. Une femme qui accepterait son boulot, ce n'était pas impossible, mais c'était ultra rare mine de rien. Il savait que beaucoup de policier qui bossait au bureau avait perdu beaucoup depuis leur affectation, mais quand il voyait Ryan et Artemis, il se disait que ce n'était pas impossible.

« - C'est clair, ce n'est pas impossible et puis, je saurais faire attention aussi. » Son poste n'était pas le même que celui d'Artemis ou Ryan, il n'était qu'un enquêteur qu'on envoyait par moment sur le terrain, il pouvait revenir à la maison après son boulot, sans soucis.
Il termina son bol de ramen et l'écouta à propos de Lux, un sourire en coin. Pour sur, Lux savait très bien cracher son venin !

Noa parla d'être soi-même et quand elle posa sa main sur la cuisse du garçon, le blond eut un sourire en acquiesçant. Elle avait raison, c'était le mieux.

« - Pourquoi être quelqu'un que nous sommes pas et être malheureux au final ? Autant accepter ce que nous sommes et vivre sans se soucier de l'opinion des autres, c'est comme ça que je vois les choses dattebayo ! » Autrement, il trouvait qu'elle avait foutrement raison.

Sa philosophie semblait assez simple, en définitive. Il croyait que c'était bien plus important d'être heureux que de convenir à la société. Considérant les choses sous cet angle, la liberté devenait plus facile à atteindre. Le simple fait de lâcher prise serait alors possible.

« Intéressante philosophie pour un gars qui attrape les méchants. » fit-elle remarquer en relâchant sa cuisse pour mieux se lever. Elle se mit alors à marcher dans la cuisine, observant les électroménagers d'un air désintéressé.

Cela dit, elle finit par ouvrir le frigo, jetant un coup d'oeil à l'intérieur. Il n'y avait rien de bien surprenant là ; les mêmes éléments qu'on retrouvait dans les frigos dont dix-huit pots tous ouverts du même condiment ou encore une vieille canette de coca oubliée au fond de l'étagère.

« J'aurai pas à aller au poste, si ? Ils ont prit ma déposition ... »

Elle fronça légèrement les sourcils et leva le nez, le regardant au-dessus de la porte du frigo.
Se fichant un peu de la réponse, en fait, elle referma le frigo et quitta la pièce pour aller visiter le reste, prenant de temps en temps un objet dans ses mains, intriguée.

Benjamin cligna des yeux un moment, il avait du mal à cerner la jeune fille, en fait Noa semblait simple comme personne, mais il voyait bien qu'un combat existait au fond d'elle. Quelque chose qu'elle cherchait à dissimuler. Possible qu'elle ne voulait pas avoir l'air fragile aux yeux des autres et faire voir qu'elle avait le contrôle, c'était intéressant.

Autant que sa philosophie, visiblement. Quand elle se redressa en cherchant quelque chose dans le frigo, tout en posant une question, Benji haussa les épaules.

« - Non, je ne crois pas. »
Elle venait de répondre à sa question de toute façon, avec sa déposition, ils n'avaient pas besoin d'autre chose. Possible qu'il la re-contact si jamais ils trouvaient quelque chose, mais pour l'instant, elle avait la paix. D'ailleurs, elle semblait curieuse, assez pour quitter la pièce pour se rendre à une autre.

Benji s'en foutait bien qu'on explore son chez lui, amusé même. Il se redressa et décida de la suivre en ayant les bras croiser derrière la tête, elle observait les objets et les photos au mur et lui, l'observait dans son observation.

« - Tu ne veux pas être libre, toi ? » Une question intéressante, il était curieux de savoir. « - Est-ce que tu vis ta vie en étant réellement toi-même'ttebayo ? »

Accroupie devant une vieille commode, elle regardait ce qu'il y avait sur les étagères dont une panoplie de livres qu'elle était absolument certaine que Benjamin n'avait jamais lu. Au son de sa voix, la jeune asiatique leva la tête, intriguée. Il venait vraiment de lui demander si elle était libre ? Si elle était elle-même ?

Prêtant à nouveau attention aux bouquins sur l'étagère, elle en sortit un de là en soufflant dessus pour en effacer la poussière. Il s'agissait, visiblement, d'un roman que sa mère devait beaucoup apprécier vu l'état des pages. En l'observant de plus près, Noa réalisa ...

« Je crois pas savoir ce que je suis exactement. » admit-elle avec un fin sourire. « Ça te fais pas ça à l'occasion ? Tu regardes les autres et tu te dis ... Wow ... il a l'air tellement sûr de lui. Il sait exactement ce qu'il veut et ce qu'il aime. » Elle marqua une brève pause. « Au final, tu te demandes ... Et moi là-dedans ? Qu'est-ce qui me rend unique ? » Elle fronça un peu les sourcils.

Puis, se levant pour être en face de lui, elle lui tendit le bouquin. « Je parie que ta mère te lisais ça durant sa grossesse ... » C'était un livre de contes tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Mais Noa avait remarqué que le signet avait laissé une marque au niveau de l'histoire de Robin des Bois.

... Disons.
Déformation professionnelle.

Benjamin écouta Noa avec beaucoup d'attention et réalisa quelque chose. Un sourire vint à naitre sur son visage alors qu'il s'adossa contre le mur derrière lui. Elle lui posait des questions pour finalement mettre un gros point sur ce qu'elle était. Une chose certaine, elle se cherchait, ça il n'y avait pas de doute.

« - Pendant longtemps je me suis demandé qui j'étais. Quand on vient au monde sans parents, on se cherche et on se dit ; est-ce que mes parents étaient ainsi aussi ? Puis avec le temps, tu réalises que ce n'est pas le plus important ce que pense les autres ou ce que vois les autres. » Il haussa les épaules en décroisant les bras, ne la quittant toujours pas des yeux.

« - On se cherchera toujours au cours de notre vie et jamais on ne sauras vraiment qui nous sommes. Mais je crois que ce qui compte le plus, c'est de ne jamais se priver. Quand on se prive, on s'enferme dans une cage et c'est la que toute la souffrance s'accumule. » Il releva la tête un peu, semblant pensif. « - Je pense que tu sais, ce que tu veux. Mais ce que tu veux te fait peur et tu te dis que c'est pas bien. Alors tu regardes ailleurs et tu envies les autres qui ose sans se demander si c'est bien ou pas. » Il la regarda de nouveau en souriant.

Elle changea de sujet en lui tendant le livre et ne réalisa que maintenant ce qu'elle disait. Wow, il n'avait jamais fait attention, mais maintenant qu'elle le lui faisait remarquer.
« - Robin des bois ... Ha, mince, j'ai raté ma vocation alors'ttebayo ! » Dit-il avec un petit sourire en coin, amusé.

Noa sembla étonnée qu'il mette autant d'efforts à lui faire comprendre son point de vue. Alors, selon lui, elle se privait consciemment de faire ce dont elle avait envie de peur de faire le mauvais choix ? Penchant un peu la tête sur le côté, elle tenait toujours le volume dans ses mains, ne le quittant pas des yeux.

« Et tu crois que je veux quoi ? » demanda-t-elle, curieuse de connaître son avis.
Elle lui laissa finalement le livre et noua, une nouvelle fois, ses cheveux parce que des mèches s'extirpaient sans cesse de son élastique malgré tous les efforts qu'elle avait mit pour que ce soit serré.

« Hé bien, tu n'es pas si loin d'un voleur qui prend aux riches pour donner aux pauvres, quand on y réfléchit bien. » déclara-t-elle tranquillement, la main posée sur la porte de l'armoire qu'elle comptait refermer doucement malgré le grincement qu'elle faisait.

Qu'est-ce qu'elle voulait ? Le blond ouvrit de grand yeux, ne la quittant pas du regard. Bonne question, il ne la connaissait pas assez pour établir quoi que ce soit et ce serait ...

« - Je ne sais pas ce que tu veux et ce serait prétentieux de ma part de te dire que je le sais. J'ai juste l'impression que tu vis un conflit intérieur et que tu ne sais juste pas comment gagner. Possible que je me trompe aussi hein ! » Il haussa les épaules en tenant toujours le livre.

Ouais, pas faux.
Sauf qu'il ne donnait pas aux pauvres ce que les criminels volaient, il les redonnait au propriétaire. De toute façon, son père avait été de la police également, donc forcément il devait avoir ça dans les veines.

« - Ouais, je crois que ma mère serait tout de même fière de moi. En tout cas, moi je le suis. » Et c'était le plus important hein. Il releva les yeux vers Noa et la regarda attentivement. « - Tu veux que je te raccompagne chez toi, il commence à être tard et je ne veux pas prendre trop de ton temps, tu as surement mieux à faire ! »

Un conflit intérieur ?

Peut-être bien.

Il y avait beaucoup de pensées qui s'entrechoquaient dans sa tête. Avec le temps, la désillusion s'était installée ainsi que la lassitude : cette impression de n'appartenir à rien d'autre que d'insipides relations en surface.

« Tu ne te trompes pas. » admit-elle avec une honnêteté qu'elle n'avait pas, d'habitude. Mais Benjamin avait mérité d'avoir réponse à ses interrogations. « Mon père abusait de moi quand j'étais petite. » Elle le fixa droit dans les yeux en déclarant une chose pareille. C'était un enquêteur de Mayhem, mais il n'avait jamais dit aux autres où se trouvait Lux. Elle en déduisait alors qu'il n'en avait rien à faire de ce que les autres faisaient pour survivre.

« Au début de mon adolescence, il s'est lassé de moi et est allé vers ma soeur. Je pouvais pas laisser quelqu'un d'autre endurer ça ... alors je l'ai tué. » raconta-t-elle avec une paix intérieure tout de même assez incroyable. « Crois-tu qu'une personne telle que moi, qui peut tuer son propre père, mérite vraiment d'être libre ? »

Elle tourna la tête vers le hall comme il lui avait aussi demandé si elle souhaitait être raccompagnée. La réponse lui vint naturellement : « Je vais rentrer à pieds, je crois. Tu es enfin chez toi. Tu mérites bien de te reposer un peu ... » Elle marcha jusqu'à la porte d'entrée, effleurant le cadre de ses doigts et, cessant un bref instant de marcher, elle fini par tourner la tête vers lui. « Je viendrai peut-être te voir au poste, de temps en temps. » Elle lui envoya un signe de la main et se mit en route vers son quartier, pas trop effrayée à l'idée de marcher seule malgré les circonstances.

Après tout, n'avait-il pas dit qu'elle était hors de danger ? Que c'était Stanford qu'ils voulaient ?

Ah... Et dire qu'à une époque ... elle se serait servie de ce beau blond pour apaiser sa peine. Juste un soir.
Elle était devenue sage, bravo.
Sage et seule, youpi. C'est ça quand on a pas d'âme soeur.
Tiens donc, elle pensait comme Nemesis.

Benjamin l'écouta, sans jamais l'interrompre. Même lorsqu'il eut envie de le faire, il garda le silence. En ce moment, Noa lui ouvrait son coeur et le jeune homme réalisait l'ampleur du combat qu'elle pouvait vivre tout au fond d'elle. Quelque chose de gros, de lourd. Elle lui posa une question et elle était légitime dans son ensemble. Avait-elle le droit d'être libre avec ce qu'elle avait fait ? Pour beaucoup, la réponse serait surement non. Un crime se doit d'être payer, peu importe le pourquoi, mais Benjamin ne faisait pas partie de ce groupe et il savait que ses patrons non plus et que Gaetano comprendrait et penserait comme lui.

Il soutenait son regard et avec un sérieux sincère et honnête, il brisa finalement la chaîne des paroles de Noa.
« - Tu as le droit d'être libre, justement parce que durant toute ton enfance, c'est dans une cage que tu as grandis. La journée où tu as tué ton père, tu as ouvert la porte de ta cage pour t'envoler et être enfin libre. Enfin toi-même, mais tu ne connais que le confort de cette cage, être libre te fait peur ... » Il se tut, parce qu'elle venait de lui dire qu'elle rentrerait à pieds.

Il soupira en comprenant et ne désirant pas être un fardeau de plus pour elle ou un poids - d'autant qu'elle venait de lui dire un truc assez poignard -, il décida de la laisser partir.

« - Ça va me faire plaisir de te voir si tu viens au poste, Noa ! » Dit-il sincèrement en la salua d'un mouvement de la main. Il n'était pas triste pour elle, il comprenait. Vivre en ayant toujours l'impression d'être coincé, d'être incomprit, de n'avoir personne vers qui se tourner, il l'avait vécu.

Au final, lui aussi revenait souvent dans cette cage, là où il se sentait en sécurité, parce que c'était tout ce qu'il avait connu jeune. Il referma la porte et décida de prendre une douche, ça lui ferait du bien, tient.